Il peut être difficile de se poser cette question sans tomber sur la défensive : « Moi? Grossophobe? Mais pas du tout ! ». La réalité cependant, c’est que tout le monde l’est un peu. Il ne faut pas le prendre comme une attaque personnelle, mais plutôt comme un constat universel. La société véhicule des messages grossophobes partout, à longueur de journée, et ça fait partie de la nature humaine de les assimiler, même inconsciemment. C’est ce qu’on appelle la grossophobie internalisée.
Ce que ça veut dire, c’est que dans une même situation, on a tendance à percevoir différemment les personnes grosses comparativement aux autres sans s’en rendre compte. Comme juger plus facilement une personne grosse qui mange du fast food qu’une personne mince. Ou encore, être plus facilement irrité.e si la personne qui est à côté de nous dans l’avion est une personne grosse plutôt qu’un athlète très musclé, alors que les deux prennent la même place.
Au-delà de nos perceptions, il y a également nos réactions. Parfois, nos paroles peuvent être également plus grossophobes et dommageables qu’on aurait pu le penser. C’est donc important de ne pas minimiser leurs impacts.
La raison qui revient le plus souvent pour justifier de commenter le poids d’une autre personne, c’est de l’avoir fait avec de bonnes intentions. Notamment, par inquiétude pour son bien-être ou sa santé. Cependant, cet argument ne tient pas compte de plusieurs éléments importants :
Les commentaires et critiques axés sur le poids sont fréquents et omniprésents. La pression de devoir changer son corps est partout autour de nous, que ce soit de manière directe ou indirecte.
En voici quelques exemples :
Ces commentaires peuvent être difficiles à recevoir, car ils s’additionnent au reste. Même quand c’est dit sur le ton de la plaisanterie ou avec la même légèreté qu’un « Bonjour, bonne journée », on ne sait jamais quand ceux-ci peuvent être la goutte qui fera déborder le vase.
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’un commentaire vient rarement seul. Il s’inscrit dans un contexte plus grand que les mots prononcés et s’ajoute à une multitude d’autres choses qui pèsent déjà sur une personne.
Même si ça part d’une bonne intention, même si c’est dit sans méchanceté ou juste pour taquiner, commenter le poids d’une personne, c’est la voir à travers les lunettes teintées de la grossophobie.
Le but ici n’est pas de pointer du doigt ni de faire une chasse à la grossophobie. C’est plutôt une invitation à :
(1) Eisenberg, M. E., Berge, J. M. et Neumark-Sztainer, D. (2013). Dieting and Encouragement to Diet by Significant Others: Associations with Disordered Eating in Young Adults. American Journal of Health Promotion, 27(6), 370‑377. https://doi.org/10.4278/ajhp.120120-QUAN-57
(2) Eisenberg, M. E., Franz, R., Berge, J. M., Loth, K. A. et Neumark-Sztainer, D. (2017). Significant others’ weight-related comments and their associations with weight-control behavior, muscle-enhancing behavior, and emotional well-being. Families, Systems, & Health, 35(4), 474‑485. https://doi.org/10.1037/fsh0000298
(3) Menzel, J. E., Schaefer, L. M., Burke, N. L., Mayhew, L. L., Brannick, M. T. et Thompson, J. K. (2010). Appearance-related teasing, body dissatisfaction, and disordered eating: A meta-analysis. Body Image, 7(4), 261‑270. https://doi.org/10.1016/j.bodyim.2010.05.004
Parution : Octobre 2025
Bachelière en études françaises et finissante au baccalauréat en travail social, Nadia Tranchemontagne s’intéresse au pouvoir cathartique des mots et à la recherche d’émancipation face aux diktats de la société. Elle publie, en janvier 2025, son premier roman La grosse qui rêvait d’amour, alliant fiction et essai pour parler de ces sujets, mais également de troubles alimentaires, de grossophobie et plus encore.
La découverte du concept de neutralité corporelle à l’âge adulte a révolutionné sa manière de concevoir sa relation avec son propre corps. Soucieuse qu’on évite de remplacer la pression des standards de beauté par la pression de devoir s’aimer à tout prix, elle utilise ses réseaux sociaux et autres plateformes pour faire connaître et militer pour ce mouvement social qui prône une reconnaissance de la valeur humaine autrement que par l’apparence physique.